À Bongondinga, un petit village situé à une trentaine de kilomètres de Mbandaka, dans la province de l’Équateur, vit Maman Joséphine Lokwa, la cinquantaine révolue, mère de sept enfants et agricultrice depuis plus de vingt ans.
Son nom n’apparaît dans aucun rapport ni programme officiel, pourtant elle joue un rôle essentiel dans la survie alimentaire de sa communauté.

Une vie dans les champs
Chaque matin, bien avant le lever du soleil, Maman Joséphine se rend dans ses champs de manioc, de maïs et d’arachides. Elle cultive sur une parcelle de deux hectares, héritée de son père, qu’elle entretient seule avec l’aide de ses enfants.
“C’est mon bureau, ici. Le champ, c’est ce qui nourrit ma famille et m’a permis d’envoyer deux enfants à l’école secondaire”, dit-elle en riant doucement, un panier de boutures à la main.
Mais la vie rurale n’a rien de facile. Les routes sont presque impraticables, les semences certifiées rares, et les acheteurs peu nombreux. Souvent, elle doit transporter elle-même ses sacs de manioc à vélo jusqu’au marché de Wangata, à plusieurs kilomètres de là.
La gardienne des semences locales
Depuis quelques années, Maman Joséphine s’est fait connaître dans sa zone pour sa passion : la conservation des semences locales. Face à la disparition progressive des variétés traditionnelles de maïs et de haricot, elle a commencé à sécher, trier et conserver les meilleures graines qu’elle échange avec d’autres femmes du village.
« Nos mères nous ont laissé ces semences. Si nous les perdons, nous perdons aussi notre identité. Les nouvelles semences poussent vite, mais elles ne résistent pas à la pluie ou à la sécheresse comme les nôtres », laisse-t-elle entendre.
Son initiative a inspiré d’autres femmes de Bongondinga. Ensemble, elles ont créé un petit groupe solidaire de femmes rurales, baptisé “Basi ya mabele” (Les filles de la terre).
Le groupe compte aujourd’hui une vingtaine de membres, qui échangent leurs semences, s’entraident pendant les récoltes et mutualisent une partie de leurs revenus pour acheter des outils agricoles.

Entre courage et fierté
Malgré l’absence de soutien institutionnel, Maman Joséphine refuse de se plaindre. Elle continue de transmettre son savoir aux jeunes filles du village, convaincue que la terre reste le meilleur héritage qu’une femme puisse offrir. « Les gens pensent que nous, femmes rurales, nous ne savons rien. Mais sans nous, personne ne mange. Si on nous donne les mêmes moyens que les hommes, on peut nourrir tout le pays », souligne-t-elle.
Une héroïne silencieuse
À Bongondinga, tout le monde connaît Maman Joséphine. Les enfants l’appellent affectueusement “Mama semence”. Pour beaucoup, elle symbolise la résilience et la dignité des femmes rurales congolaises, celles qui nourrissent la nation dans le silence et la poussière des chemins.
Medy Lapatsh

