Le 20 mai 2025 était la date fixée pour le prononcé du verdict final du dossier Matata Ponyo. La Cour constitutionnelle l’a condamné à 10 ans des travaux forcés, à une inéligibilité pour 5 ans. La Haute Cour, siégeant en premier et dernier ressort, a aussi ordonné son arrestation immédiate et la saisie de ses biens meubles et immeubles au prorata des fonds détournés.
Cette affaire de l’ancien Premier Ministre de la République Démocratique du Congo (RDC), s’inscrit dans un contexte de lutte contre la corruption et de tentatives de moralisation de la vie publique en RDC.
Plusieurs hauts dignitaires ont été ciblés par des enquêtes au cours de ces dernières années. Mais le dossier de Matata Ponyo était principalement lié à des allégations de détournement de fonds publics dans le cadre du projet du Parc Agro-Industriel de Bukanga Lonzo (PAB). Les accusations se concentrent sur le détournement de centaines de millions de dollars américains alloués à ce projet censé être un modèle de développement agricole et de sécurité alimentaire pour la RDC, la mauvaise gestion et le gaspillage des fonds ayant conduit à l’échec retentissant du projet Bukanga Lonzo, l’enrichissement illicite de Matata Ponyo et de certains de ses co-accusés à travers ce projet.
Interprétation des enjeux
Cette affaire a, avant le prononcé de son verdict final, fait perdre beaucoup d’encres et de salives aux acteurs sociopolitiques du pays. Les uns pensent que c’est une question de lutte contre la corruption face à l’instrumentalisation politique. Pour les partisans des poursuites, c’est un exemple concret de la lutte contre la corruption et l’impunité, un engagement fort du régime du Président Tshisekedi. Par contre pour les détracteurs, c’est une affaire à forte coloration politique, perçue comme une tentative de neutraliser un opposant potentiel ou un règlement des comptes.
La défense de Matata Ponyo, par la voix de ses avocats, Maîtres Laurent Onyemba et Raphaël Nyabirungu, a vivement dénoncé ce verdict, le qualifiant d’« inique » et de « déconnecté du procès ». Ils estiment qu’il s’agit d’une décision politique et non d’une décision de justice fondée sur la vérité, remettant en cause l’image de la justice congolaise. Ils avaient d’ailleurs dès le départ contesté la compétence de la Cour constitutionnelle pour juger un ancien Premier ministre.
Historique judiciaire complexe
Les médias rappellent que le dossier Matata Ponyo a connu de nombreux rebondissements judiciaires, avec des allers-retours entre la Cour constitutionnelle et la Cour de cassation, soulevant des questions sur la compétence des juridictions et les immunités parlementaires de Matata Ponyo en tant que sénateur. Ces revirements ont alimenté la thèse d’un « acharnement politique » selon ses partisans.
Medy Lapatsh