Dans les villages de la République Démocratique du Congo, les femmes sont partout dans les champs, mais presque jamais dans les registres fonciers. Elles sèment, sarclent, récoltent… pourtant, très peu d’entre elles possèdent la terre qu’elles cultivent. Une réalité qui fragilise leur autonomie économique et leur contribution à la sécurité alimentaire du pays.

Des travailleuses sans titre de propriété
Selon plusieurs études nationales, plus de 60 % des femmes rurales sont actives dans l’agriculture, mais moins de 15 % détiennent un titre foncier. Les raisons sont multiples : coutumes, absence de moyens financiers, inégalités d’héritage et faiblesse du cadre légal.
Dans certaines communautés, la terre reste un héritage masculin, transmis de père en fils. La femme n’a souvent accès à une parcelle que par le biais de son mari ou de sa famille, sans garantie de stabilité. En cas de divorce, de veuvage ou de conflit foncier, elle peut tout perdre du jour au lendemain. « Je cultive sur la parcelle de mon beau-frère depuis sept ans. Si demain il décide de reprendre la terre, je n’ai aucun recours », confie Alphonsine, agricultrice dans le territoire de Masimanimba, province du Kwilu.
Entre coutume et droit moderne
La loi foncière congolaise reconnaît l’égalité d’accès à la terre entre hommes et femmes. Mais dans la pratique, les coutumes locales dominent encore. Dans la plupart des zones rurales, les chefferies ou les clans contrôlent la distribution des terres, et les femmes doivent passer par les hommes pour obtenir une parcelle.
Cette situation limite leur capacité à investir, à accéder au crédit agricole ou à bénéficier des programmes de soutien à la production. Sans titre de propriété, elles ne peuvent pas offrir de garanties aux institutions financières ni sécuriser leurs récoltes sur le long terme.

Des initiatives locales pour changer la donne
Face à ce constat, plusieurs organisations de femmes rurales s’organisent pour réclamer un meilleur accès à la terre.
Dans le Sud-Kivu, des associations appuyées par la FAO et ONU Femmes ont commencé à sensibiliser les chefs coutumiers à l’importance de l’équité foncière. Certaines communautés ont même adopté des chartes locales d’accès à la terre pour les femmes, leur permettant de devenir propriétaires collectivement. « Quand une femme possède la terre, c’est toute la communauté qui se nourrit mieux, la sécurité alimentaire commence par la sécurité foncière », a souligné Claudine KASIKA, coordinatrice du Réseau des femmes paysannes du Sud-Kivu.
Pour une révolution foncière inclusive
Garantir aux femmes rurales le droit de posséder et de gérer la terre qu’elles cultivent n’est pas seulement une question de justice : c’est un enjeu de développement national.
Les experts s’accordent à dire qu’une égalité d’accès à la terre permettrait d’augmenter la production agricole de 20 à 30 % dans certaines régions.

En cette Journée internationale de la femme rurale, le média Agriboost info rappelle qu’il est temps de reconnaître la place des femmes non seulement comme mains du sol, mais aussi comme propriétaires de la terre.
MMK
